Actes individuels de courage et faits d'héroïsme accomplis par les militaires du 173ème Régiment d'Infanterie au cours des offensives du 8 au 17 octobre 1918.
Prise de la ferme de Bellecour, par le 1er bataillon du 173ème R.I.
Le 8 octobre 1918, les dernières positions de la ligne Hindenburg tenaient encore dans la région de X... L'ennemi s'y cramponnait avec l'énergie du désespoir. Plusieurs attaques avaient déjà été menées sans résultat par des troupes d'élite sur la ferme Bellecourt, point particulièrement organisé, farci de mitrailleuses, et dont les abris bétonnés, au dire des prisonniers, étaient occupés par tout un bataillon de contre-attaque, quand le 1er bataillon du 173e reçut l'ordre de s'emparer coûte que coûte de cette importante position.
La marche d'approche pour se rendre à la base de départ fut particulièrement rude : les éléments du 1er bataillon traversèrent sans hésitation des ravins balayés par des mitrailleuses ennemies et battus par les tirs de barrage. Le Boche n'avait pas épargné les obus toxiques; chacun dut mettre son masque; toutefois le moral restait inébranlable, l'esprit d'assaut intact.
A l'heure H, le bataillon protégé par sa compagnie de mitrailleuses s'élança vers l'objectif : les fusées partirent aussitôt de tous les points de la position ennemie et un violent tir de barrage s'abattit sur le bataillon, tandis que les mitrailleuses boches crépitant avec la dernière énergie, balayaient le terrain d'attaque.
Deux sections, d'un seul élan, purent parvenir à la ferme; l'une commandée par le sous-lieutenant Barazetti, l'autre par l'adjudant Banes, avec qui marchait le capitaine Lezerat, commandant une des compagnies d'attaque.
Pendant que l'une des sections, à coups de grenades et de fusils-mitrailleurs, forçait les défenseurs de la position à se rendre, l'autre section avait bondi aux abris de la troupe de contre-attaque, ne laissant pas le temps aux hommes de garde ennemis de faire fonctionner les mitrailleuses qui étaient placées à chaque entrée d'abri. L'affaire avait été menée avec rapidité et décision; le succès fut complet : toute la garnison fut capturée.
Cinq cents prisonniers environ furent faits dont 23 officiers ou assimilés et plusieurs feldwebel. Le matériel dénombré dans la position conquise comprenait une trentaine de mitrailleuses et plusieurs minenwerfer.
Prise du pont 130 et garde de la position par le 1er bataillon du 173ème R.I.
L'ennemi occupait la position du pont 130 dont la prise était pour nous d'une importance capitale pour une progression ultérieure.
Le 1er bataillon du 173e R. I. reçut la mission, dans la nuit du 14 au 15, de s'emparer de ce point d'appui que l'on savait fortement tenu par des mitrailleuses. L'affaire fut soigneusement et habilement organisée et trois groupes, à 0 H. 45, s'élancèrent dans la nuit. Chacun était pénétré de sa mission, savait sa place et le rôle qu'il devait jouer. Le Boche était en éveil; dès le départ, il éventa le coup de main et mit ses mitrailleuses en action. Un des chefs de groupe et plusieurs de ses hommes furent blessés. Une minute de flottement, et, entraînés par l'adjudant Banes, les hommes reprirent leur marche rapide. Lui-même est blessé; craignant que l'attaque ne soit arrêtée, le sous-lieutenant Montoya qui se trouvait sur la base de départ du coup de main sans faire partie de l'opération, très crâne, s'élança à la tête des fractions. Suivant son exemple et voulant venger leurs camarades tombés, tous n'eurent qu'un cri : « En avant ». En quelques minutes, l'affaire était réglée : les groupes occupaient le pont, ayant mis le Boche en fuite et s'emparant d'une mitraillette. Mais les Allemands sentant l'importance de la position n'en restèrent pas là et ce fut une série de violentes contre-attaques venant de toutes les directions.
La garnison était affaiblie par ses pertes; on organisa la résistance, et. successivement, tous les assauts vinrent se briser sous le feu des défenseurs.
Le soldat Pons, véritable exemple de bravoure et d'abnégation, se portant avec la mitraillette qu'il avait prise aux points les plus menacés, arrêta chaque fois les assaillants.
Une dernière attaque précédée d'un violent bombardement à obus toxiques n'eut pour résultat que de laisser quatre prisonniers entre nos mains. Des renforts arrivèrent; cette poignée de braves avait rempli sa mission : pris et gardé le pont 130.
Prise de ferme Forte: la 1ère compagnie de mitrailleuse à la prise de la ferme Forte.
La journée du 15 a été dure, mais glorieuse pour le régiment : un solide point d'appui, une ferme, a été enlevée par nos poilus dont le moral, malgré huit jours d'une lutte âpre était toujours aussi élevé.
Dans la soirée, plusieurs contre-attaques boches se sont heurtées à une défense implacable. Le lendemain matin, voulant profiler de la brume, les Allemands essayent, une fois de plus, de nous ravir ces ruines qui nous ont coûté tant d'efforts. On voit se dessiner leur attaque, chacun d'eux connaissait son rôle : un à un, ils s'infiltrent, essayent de surprendre la vigilance de la faible garnison.
Des mitrailleurs boches s'avançant, se sont établis à une quarantaine de mètres de notre position. Mais en face d'eux, sont aussi nos mitrailleurs. Leur chef, l'adjudant Bayard, suit les mouvements de l'ennemi. Calme, sûr de lui et de ses hommes, il conçoit son plan : il passe un mot d'ordre : « Que personne ne tire avant mon signal »; et les mitrailleurs, confiants, attendent. Au moment où les mitrailleuses boches, en face engageaient la bande, un commandement! Notre mitrailleuse crépite; les Boches s'écroulent sur leurs pièces; un bond en avant, et la mitrailleuse ennemie était nôtre. La retourner fut l'affaire d'une seconde et nos poilus, fiers de leurs exploits, attendent, plus fermes que jamais, une nouvelle tentative ennemie.
Le 2ème bataillon du 173ème R.I. à la ferme Forte.
Le 11 octobre, le chef de bataillon veut à tout prix faire parvenir un renseignement important au chef de corps. Il désigne le cycliste Salicetti. Le terrain à parcourir est long, absolument découvert, battu de toutes parts par de nombreuses mitrailleuses. C'est la mort presque certaine pour qui s'y aventure. Salicetti part cependant. II est touché d'une première balle : puis, successivement de trois autres. Malgré la perte de son sang et son épuisement extrême, il continue sa marche. Son itinéraire croise un poste de secours : le médecin veut l'y retenir. « Non ! répond Salicetti, je dois avant tout porter au colonel le pli qui m'a été confié. » Le poste du colonel étant à un kilomètre de là, Salicetti y parvient, accomplit sa mission, et c'est alors seulement qu'il consent à être pansé.
Le 11 octobre, le sergent Vincent et le soldat Enguerrand marchent avec la première vague à l'assaut d'une ferme forte-ment occupée et défendue par de nombreuses mitrailleuses. Un réseau de fil de fer épais et haut barre le chemin; les mitrailleuses ennemies tirent de toute part. Ne pouvant espérer couper ou franchir la trame du réseau, le sergent Vincent et le soldat Enguerrand se glissent sous lui, rampent jusqu'au bord opposé et bondissent sur les mitrailleurs ennemis. Ils en tuent deux et capturent 10 prisonniers.
Le 11 octobre, le soldat brancardier Braconi, déjà assez sérieusement blessé, entend en avant de la ligne les appels d'un de ses camarades touché d'une balle. Malgré le feu extrêmement violent des mitrailleuses qui balayaient le plateau, Braconi se porte en avant au secours du blessé. Une deuxième balle reçue immédiatement ne l'arrête pas; il continue jusqu'au moment où il tombe mortellement frappé de plusieurs balles. Cet homme seul, sans arme, portait à son bras le brassard de la Croix Rouge. Le boche, à courte distance, pouvait le distinguer. Il l'a ignoré comme toujours.
Le 3ème bataillon du 173ème R.I. à la ferme Forte.
Le 15 octobre, à l'attaque de la ferme Forte, la 10e compagnie attaquait prenant une partie de la tranchée à revers. Marchant en tète, la baïonnette haute, l'agent de liaison Demange, Alsacien, venu comme volontaire sur le front français, fit preuve d'une telle ardeur qu'il allait plus vite que le barrage roulant, si bien qu'il arriva avant les obus de 75 sur un groupe de quinze Allemands qui attendaient le moment propice pour faire entrer leurs mitrailleuses en action. Telle fut leur surprise que devant la seule menace de cet homme résolu, ils levèrent les bras, abandonnant leurs armes.
A la ferme Forte, le 3e bataillon du 173e R. I. repousse victorieusement cinq contre-attaques. La plus dure fut celle du 16 octobre, lancée au petit jour après une formidable préparation d'artillerie.
Dans un trou d'obus avancé, une pièce de la 3e compagnie de mitrailleuses était en position, et attendait l'ennemi qui avançait de toute part. Sur quatre servants, trois sont mis hors de combat tant par le feu de l'artillerie que par les balles de mitrailleuses qui appuient l'attaque allemande. Resté seul à son poste, au milieu d'une fumée épaisse, le mitrailleur Felce, avec un sang-froid extraordinaire, continue à servir la pièce, chargeant, visant, tirant, empêchant ainsi les vagues d'assaut de déboucher du petit ravin où elles sont massées.
Une hardie patrouille de tête a cependant réussi à s'infiltrer à courte distance, sautant de trou en trou. Croyant le moment propice, le sergent allemand se précipite avec ses quatre hommes sur cet homme resté seul qui ose résister. En quelques balles bien ajustées, le soldat Felce les étendit raides morts, l'un après l'autre. Le dernier était tombé à quelques mètres à peine de sa pièce.
Aux armées, le 22 octobre 1918.
Le chef de bataillon
Commandant provisoirement le 173e R.I.,
Signé : PATACCHINI.
Sources: http://arustaghja.canalblog.com/archives/2006/09/22/2738628.html